Quand le moindre espace devient support d'agriculture urbaine. Un homme au Caire transforme sa toiture
en espace de production Source : http://www.tdg.ch/monde/sherif-hosny-homme-veut-verdir-caire/story/27062643
A temps plein
Pour réaliser son projet, il décide de tout quitter il y a trois ans. Ancien directeur général à Dubaï d’un des plus grands groupes miniers au monde, il démissionne et rentre en Egypte afin de fonder sa propre entreprise. «Le Caire est une ville surpeuplée et surpolluée, elle est affectée également par un climat aride et un manque d’eau potable. Donc si nous voulions avoir des résultats, nous ne pouvions pas nous contenter de faire cela en marge de notre travail, il fallait un investissement à temps plein.» C’est ainsi que Shaduf est née. L’entreprise, dont le siège est situé en plein cœur du quartier huppé de Maadi, tire son nom d’un outil d’irrigation issu de l’Egypte antique. Machine rudimentaire simple à fabriquer permettant de puiser de l’eau, elle est toujours utilisée par beaucoup de fermiers égyptiens.
Viser les classes populaires
«Moins de 5% des rues du Caire possèdent des arbres, et avec vingt millions d’habitants et une urbanisation démesurée, il reste très peu de place pour les terres agricoles et les espaces verts. Donc il nous faut utiliser les espaces existants, comme les toits, les murs», constate Sherif. Dans un premier temps, ce sont surtout de grandes entreprises et des restaurants qui ont été charmés par le projet. «Beaucoup nous ont sollicités pour que nous installions des murs végétaux, pour des raisons esthétiques. Certains riches particuliers ont également fait appel à nous.» Mais Sherif veut surtout sensibiliser les classes populaires, car ce sont elles qui sont concentrées dans les zones urbaines les plus denses. Pas une mince affaire.
«Les Egyptiens sont très difficiles à sensibiliser sur les questions de respect de l’environnement, car cela ne fait pas partie de notre culture et le discours est nouveau. Nous avons des décennies de retard par rapport à l’Occident. Mais les choses changent petit à petit.»
Garantir un revenu supplémentaire
Pour toucher les classes populaires, Sherif a donc trouvé un moyen efficace: leur garantir un revenu supplémentaire. «Leur parler de l’impact social et environnemental que notre projet peut avoir ne suffit pas, il faut aborder l’impact économique pour susciter l’intérêt.» L’objectif est simple: convaincre les gens que leur toit peut servir à produire des aliments. Pour pallier le manque d’eau et la sécheresse, il faut utiliser l’agriculture hydroponique, le secret de la réussite des fermes urbaines. «L’hydroponie est une technique de culture hors-sol qui utilise des solutions nutritives permettant de se passer des apports d’un sol», tente de simplifier Sherif. En résumé, c’est un système simple, économe en eau et peu contraignant à installer.
Microcrédits
Un système hydroponique permettant d’alimenter une ferme urbaine coûte en moyenne de 7000 à 15?000?livres égyptiennes (entre 800 et 1900?francs), trop élevé pour des familles pauvres. Pour financer ses microfermes, Sherif s’appuie sur des ONG spécialisées dans les microcrédits mais forme gratuitement les futurs fermiers. «En fonction des mois, cela nous rapporte de 200 à 300?livres, témoigne Hamdi, qui a installé une ferme sur son toit, produisant des tomates et des laitues. Encore quelques mois pour rembourser mon prêt, ensuite ce sera un complément de revenu intéressant.»
Ambition
Sherif est ambitieux et voit son entreprise grandir rapidement: «Nous voulons passer de quelques dizaines de toits exploités à plusieurs centaines. Nous visons désormais les immeubles qui sont en bordure d’autoroutes et dont les toits sont visibles par les automobilistes. On peut ainsi démontrer à des milliers de personnes quotidiennement que les paraboles peuvent laisser la place à de la verdure.»
Sa prochaine cible: les toits des bus publics. «Il faut sensibiliser le gouvernement pour ce projet et la bureaucratie égyptienne est dure à surmonter. Mais nous avons la possibilité de produire de l’oxygène de cette façon et de rendre la ville plus agréable à vivre. Pourquoi s’en passer?»
(TDG)